« Mathématique du crime »
de Guillermo Martinez
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Comment
l’auteur met-il en parallèle la démarche d’investigation d’un enquêteur
avec la logique mathématique ?
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Lycée Molière
Classe de 1ère ES 1
Professeurs : Laurence Berody et Alexandre Reboussin
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Lucie Monnet Cadalen
Ludovic Lelong
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Arun Smadja
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SOMMAIRE
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I.
Naissance et présentation de la « littérature
policier » : zoom sur le premier roman à énigme avec Edgar Allan
Poe au roman noir, puis ses évolutions vers le roman à suspense au XXème
siècle (p. 4)
II.
Une structure de roman avec des règles strictes et un schéma narratif spécifique (p. 7)
I.
Présentation de
Guillermo MARTINEZ et résumé de son livre (p. 8)
II.
Les caractéristiques policières dans
« Mathématique du crime » (p. 9)
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Introduction (p. 3)
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II/ Les théorèmes mathématiques utilisés
par Guillermo Martínez au service de l’intrigue dans son roman (p. 10)
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A. La
méthode utilisée par l’auteur argentin dans le déroulement de l’intrigue (p.
10)
I. La définition de l’intrigue dans un
roman policier (p. 10)
II. L’intrigue dans le roman de Guillermo
Martinez (p. 12)
B. Choix et raisons des théorèmes
utilisés (p. 13)
I. Le choix des théorèmes utilisés (p.
13)
II. Les raisons des théorèmes utilisés
dans « Mathématique du crime » (p. 14)
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III/ Une démarche d’investigation entre expression logique et
objet littéraire (p. 17)
A. Les liens entre la résolution de
l’enquête (objet littéraire qui suit la démarche d’investigation) et
la résolution des énigmes
mathématiques dans le livre (les expressions logiques, Pythagore) – (p.
17)
I. La suite sacrée des pythagoriciens (p.
17)
II. La tétraktys (p. 17)
B.
Lorsque les mathématiques servent à réfléchir sur la fausse rationalité qui
relie nos actes entre eux (la pensée de Wittgenstein...) –
(p. 18)
II. Le paradoxe de Wittgenstein (p. 20)
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I/ Le roman policier, la naissance d’un
nouveau genre littéraire au XIXème siècle (p. 4)
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Conclusion (p. 21)
Les annexes (p. 22)
Les feuilles de synthèse (p. 27)
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Introduction
Si nous cherchons ses origines,
il est intéressant de noter que le roman policier occidental a eu un précurseur
dans la Chine impériale : le juge Ti, qui exista réellement au VIIème
siècle et qui sera utilisé au XVIIIème siècle comme héros d’un roman policier
chinois, « Dee Goong An ». Néanmoins, ce n’est pas de ce côté qu’il
convient de trouver la réelle influence du roman policier occidental. Lié d’une
part à l’apparition d’une civilisation industrielle et d’autre part à l’émergence
des sciences, le récit policier change le mystère en problème. De fait, il
deviendra vite un genre strictement codifié, orienté vers la résolution d’une
énigme.
« Il existe une analogie
théorique, en effet, entre les mathématiques et la criminalité : (…) nous
nous livrons l’un et l’autre à des conjectures ». Cette phrase est
extraite du livre « Mathématique du crime » (publié en 2004) de
Guillermo Martinez que nous allons étudié dans ce dossier. Né à Bahia Blanca (Buenos
Aires) le 29 juillet 1962, Guillermo Martinez est un écrivain, mathématicien et
journaliste argentin. Il est devenu en quelques années l’un des auteurs
argentins les plus importants de sa génération. Amoureux des lettres, il
parvient à réconcilier le genre policier avec la grande littérature. Il écrira également
« La vérité sur Gustavo Roderer » (publié en 2011).
Dans la sereine et studieuse
Université d’Oxford, alors qu’enfle la rumeur de la résolution imminente du
plus ardu des problèmes mathématiques, le théorème de Fermat, un tueur en série
adresse à l’éminent logicien Arthur Seldom de mystérieux messages, des
fragments d’une démonstration écrite en lettres de sang. Aidé du narrateur, un
jeune étudiant à peine débarqué de son Argentine natale, Seldom va s’efforcer
de trouver la clé de l’énigme… Mêlant adroitement la singulière atmosphère des
collèges britanniques, les tourments de la passion, les abstractions de
Wittgenstein et de Gödel, les mystères des sectes pythagoriciennes et les
antiques secrets de la magie, « Mathématique du crime », est un roman
policier à la fois classique et hors normes, histoire qui sera mise en scène au
cinéma en 2008 par Alex de la Iglesia sous le titre « Crimes à
Oxford » avec Elijah Wood et John Hurt.
Notre étude tentera de répondre
à la problématique suivante : « Comment l’auteur met-il en parallèle
la démarche d’investigation d’un enquêteur avec la logique
mathématique ? »
Dans une première partie, nous
rappellerons les caractéristiques du roman policier et nous les étudierons précisément
dans le livre "Mathématique du crime". Puis, dans une deuxième
partie, nous analyserons la façon dont l'auteur argentin utilise les théorèmes
mathématiques pour servir l'intrigue de son roman. Enfin, dans une troisième
partie de notre présentation, nous rentrerons dans cette démarche
d’investigation bien spécifique entre expression logique et objet littéraire.
I/ Le roman policier, la naissance d’un nouveau
genre littéraire au XIXème siècle
A. Les caractéristiques du roman policier
Le roman policier est né au début du XIXème siècle. Sa naissance n’est pas dû au hasard mais plutôt à de nouvelles peurs dans
la société de l’époque en lien avec le développement de la pauvreté urbaine.
C’est notamment sous la plume d’Honoré de Balzac (« Une ténébreuse affaire »,
1841) que ce nouveau genre va voir le jour. Mais il est intéressant de
souligner également que son essor s’associe au développement de la presse à
grand tirage qui met en scène les faits divers. Nous pouvons donc considérer
que le « genre policier » apparaît aussi grâce aux avancées
technologiques de la société industrielle.
C’est également pour cette raison
que ce genre policier fut pendant de nombreuses années classé dans la catégorie
des genres paralittéraires, et donc n’appartenant pas à la sphère de la
littérature dite noble. Depuis son origine, le roman policier fut considéré
comme un genre mineur et hors normes, associé à « des modes de productions
et de consommation de la littérature à grand tirage ». C’est seulement à
partir de 1970 que le roman policier va commencer à être étudié au niveau
universitaire. D’année en année, son statut s’améliore -pour rentrer dans le
cercle fermé de la Littérature avec un grand « L ».
I. Naissance et présentation de la «
littérature policier » : zoom sur le premier roman à énigme avec Edgar Allan
Poe au roman noir, puis ses évolutions vers le roman à suspense au XXème siècle
A l’origine, Edgar Allan Poe (Boston 1809 - Baltimore1849, poète, romancier et
nouvelliste américain) invente quelques caractéristiques essentielles du
genre. Connu surtout pour ses contes à l’atmosphère sombre et mystérieuse,
il est considéré comme un précurseur aussi bien du roman policier que de la
science-fiction et du fantastique.
Tout d’abord, le détective cérébral et excentrique, Auguste Dupin.
Obsédé par la logique, il est l’ancêtre de Sherlock Holmes de Sir Arthur
Conan Doyle ou de l’Hercule Poirot d’Agatha Christie. Edgar Allan Poe va
également crée le personnage du narrateur confident, observateur privilégié
des performances intellectuelles du détective. Ce confident a une fonction
essentielle : sa naïveté en fait une sorte d’incarnation du lecteur au
sein du texte. Il est à la fois impliqué dans l’action et à l’extérieur des
événements dont le sens n’est accessible qu’au héros détective. Edgar Allan
Poe place enfin ses histoires dans une atmosphère caractéristique, qui
souligne l’horreur du crime : objets souillés, corps mutilés.
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L’ensemble de ces caractéristiques décrivent parfaitement sa nouvelle
policière « Double assassinat
dans la rue Morgue » (1ère nouvelle publiée en 1841 traduit
de l’anglais par Charles Baudelaire du recueil « Histoires
extraordinaires », trilogie avec « La lettre volée » en 1842
ainsi que « Le mystère de Marie Roget » en 1843).
L’Histoire est un exemple de l’esprit analytique à travers le
personnage de Dupin, sorte de détective qui résout des affaires en se fiant
uniquement à des déductions logiques. Alors que le narrateur séjourne à
Paris, un double meurtre plonge la police dans le désarroi : Mme et
Mlle l’Espanaye, une mère et sa fille qui vivaient seules dans une maison
parisienne, ont été retrouvées sauvagement assassinées. Un homme est
arrêté, mais ce n’est visiblement pas le coupable et bien des points
restent obscures. Dupin trouvera le vrai coupable grâce à son esprit
d’analyse.
Les héros de romans policiers, comme Dupin, sont devenus des mythes au
nom du bien et contre le mal, des mythes connus de tous. Ils n’apparaissent
pas comme des hommes ordinaires. En effet, le détective revient de récits
en récits afin de rétablir l’ordre et la justice. Ils sont souvent mis en
valeur par des personnages secondaires qui s’embourbent dans le mystère
alors que le détective à la réponse à l’énigme avant même que le personnage
qui l’accompagne ne se pose la question.
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C’est ainsi que « Double assassinat dans la rue Morgue » apparaît
souvent comme le premier véritable roman policier. Edgar Allan Poe a donné à ses successeurs les éléments constitutifs du
roman policier ainsi que la structure type des romans de détection avec
l’enquête, l’énigme, le raisonnement logique du détective.
Quant
à Poe, il est considéré comme « un initiateur de la nouvelle
policière introduisant tous les artifices et éléments constitutifs du genre au
point de rendre improbable toute autre innovation en matière de littérature
policière ».
Et voilà que naquit le roman à énigme au début du XIXème
siècle où le héros doit rétablir l’ordre de la logique : à chaque fait il
donne une explication rationnelle. Avec méthode, le détective inspecteur ramène
l’inconnu au connu. Le héros est une voix qui disserte et démontre. Ses
caractéristiques physiques sont minimales (dans le cas de Dupin), ou réduites à
quelques manies : Sherlock Holmes est un cocaïnomane obsédé du
déguisement.
Les lieux, presque abstraits, sont
de simples décors. Paris n’est qu’une toile de fond dans « Double
assassinat dans la rue Morgue ». Agatha Christie quant à elle privilégie
les espaces clos où le criminel affronte le détective : un wagon de
l’Orient Express dans « Le crime de l’Orient Express » (1933).
Le roman policier à énigme est
porteur d’un discours moral : la découverte du criminel débarrasse le
monde d’une créature mauvaise, qu’il fallait punir.
Puis c’est des Etats-Unis d’Amérique que le roman noir va naître au début du XXème siècle sous fond de crise économique de 1929
et la Prohibition qui vont entraîner un surcroît de violence sociale. Ainsi, le
genre policier évolue vers des histoires et des formes d’écriture brutales.
Cette évolution du genre à trois caractéristiques : le héros tout d’abord
est un détective privé qui pose sur le monde un regard sans complaisance. Il
travaille avec une clientèle douteuse. Ensuite le style évolue aussi avec des
phrases courtes, un style allusif, avare en descriptions et un vocabulaire
proche de l’argot. Enfin l’atmosphère du roman noir évoque un univers urbain
inquiétant : lumière des voitures de police, rues sombres, etc… C’est
ainsi que le roman noir décrit la déchéance d’une humanité sans illusion.
C’est au cours du XXème siècle que le roman policier évolue encore pour perdre peu à peu son manichéisme et son aspect moral. Cette évolution
est notamment perceptible dans les caractéristiques des personnages. Ainsi la
silhouette du détective intelligent, droit et honnête est remplacée par des
personnages moins recommandables tandis que les « méchants » viennent
occuper le devant de la scène. C’est notamment en France où nous vîmes le
criminel prendre la vedette au détective.
Nous pouvons citer notamment « le
Fantômas » de Pierre Souvestre et Marcel Allain, apparu en 1911, qui
était un véritable génie du mal et effrayait la France entière. Dans le
même ordre d’idée naquît aussi le gentleman cambrioleur et justicier d’Arsène
Lupin avec Maurice Leblanc en 1905 Aux
Etats-Unis, durant les années 1920, va naître un nouveau genre du roman
policier. Il met en scène des héros (généralement des détectives
privés) cognant fort, avec une prose à leur image, efficace et directe. Les
auteurs voulaient dans le même temps abattre les barrières entre la fiction
policière et d’autres formes populaires comme le thriller et le roman
d’espionnage. A titre d’exemple nous pouvons citer l’auteur Raymond Chandler’s dont le détective
Philip Marlowe est devenu un personnage classique. Dans ces romans
« de privés » durs à cuire, les héros travaillent pour l’argent
et non plus pour la morale ou le plaisir intellectuel et le meurtre a pour
cadre les bas-fonds plutôt que ls salons de la bourgeoisie. Ces récits
mettent l’accent sur l’action, au détriment de l’énigme : plus que par
le mystère, l’attention du lecteur est attirée par les péripéties de
l’histoire, liées le plus souvent au sexe et à la violence. Puis, dans les années 1950, va
apparaître en réaction « le roman de procédure policière » :
il relate la résolution d’affaires criminelles par d’authentiques
policiers. Le lecteur a alors affaire non plus à des génies de la déduction
mais à des gens ordinaires et faillibles, quoique spécialement entraînés
aux enquêtes criminelles. Citons ici l’auteur Dorothy Uhnak, elle-même
policière à New York, auteur d’une série dont l’héroïne, l’agent Christie
Opara, réussit à pénétrer dans le bastion masculin de la police criminelle.
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C’est ainsi que l’extraordinaire
succès du roman policier tout au long du XXème siècle a entraîné un
élargissement des frontières du genre, puisque l’ensemble de ces
sous-catégories font aujourd’hui partie du roman policier. Le héros à la
rigueur du raisonnement a simplement été remplacé par l’intensité des émotions
qui font des « polars » d’aujourd’hui ce nouveau genre romanesque
issus du roman policier et du roman noir.
II. Une structure de roman avec des
règles strictes et un schéma narratif spécifique
Mais derrière la naissance et l’histoire et ces différents types de
« littérature policière » au cours des 2 derniers siècles, il est
important de revenir maintenant sur la
structure du roman policier avec ses règles strictes. Ce sont ces codes qui
sont nécessaires pour faire naître le suspense qui tiendra en haleine le
lecteur. Les règles sont également nécessaires pour bien doser les ingrédients
de cette recette si particulière qu’est le roman policier. Beaucoup ont pris
part à la bonne écriture de ses règles, Simenon, Chandler et surtout Van Dine avec ses vingt règles pour la
bonne écriture du roman policier (voir annexe 1). Van Dine veut faire naître des rapports
entre les personnages en jeu dans le roman policier. La première règle par
exemple fait un rapprochement entre le détective et le lecteur : les deux
mènent l’enquête. D’autre part chaque personnage a une place bien déterminé
dans la fiction. Il faut des suspects et que le coupable en fasse partie.
Aujourd’hui si ces règles sont dépassées, elles demeurent justes.
Mais derrière ces grandes caractéristiques,
la structure du roman policier est aussi construite que celle des contes, avec
son propre schéma narratif. Tous les récits d’énigmes policières ont le même déroulement
narratif. Au début, on a la présentation du lieu, des personnages. Puis vient
l’élément perturbateur qui rompt l’ordre premier et qui met en route l’enquête
du détective. Le mystère intervient brutalement et c’est au détective de le
résoudre. Sa quête contre le mal peut commencer. Il doit désormais rétablir
l’ordre. Puis, vient le dénouement, avec l’explication et le retour à l’ordre.
Le quotidien reprend alors sa place jusqu’à la prochaine affaire.
C’est
ainsi que quelque soit le type de roman policier, nous retrouvons un certain nombre de caractéristiques communes,
d’ingrédients :
-
le délit : l’action qui pose problème aux yeux de la
loi.
-
La victime : personne qui subit le préjudice.
-
Les lieux : le cadre de la fiction policière est plutôt
urbain et ou en local clos.
-
L’enquêteur : qui va chercher à résoudre l’affaire est
très souvent représenté comme un solitaire même s’il évolue au sein d’une
équipe.
-
L’indic : qui aide l’enquêteur en lui donnant des
informations afin qu’il résolve l’affaire.
-
L’indice : qui va aider l’enquêteur à résoudre
l’affaire, à trouver le coupable.
-
Le coupable : celui qui a commis le délit.
-
L’énigme / le mobile : raison pour laquelle le coupable
a commis le délit. C’est l’origine du suspense. On attend avec angoisse la
solution.
Nous voyons bien que le roman
policier est une intrigue hautement
mécanisée. Ces traits fondamentaux sont fortement marqués et ne subissent
aucune évolution. Sa structure reste immuablement la même depuis Edgar Allan
Poe.
D’autre part, l’enquête suit une ligne chronologique allant vers la
résolution finale. Mais les faits que l’enquête
rapporte se passent antérieurement à l’investigation. En effet, le crime a déjà
eu lieu et le récit consiste en une remontée à rebours vers l’explication et le
dénouement. Cela en fait donc une histoire double avec l’histoire du crime d’un
côtéthe et l’histoire de l’enquête de l’autre.
Enfin, la prise en charge de la narration peut être diverse. Il faut trouver une position narrative qui permette un accroissement contrôlé
des connaissances. Elle est souvent prise en charge par l’ami confident du
détective par exemple Watson pour les enquêtes de Sherlock Holmes. Ce confident
narrateur est un personnage clé dans le récit. C’est en quelque sorte le double
du lecteur de par sa position en retrait et de dépendance par rapport au
détective.
Si nous parlons souvent de roman
policier, il serait certainement plus juste d’évoquer la « littérature policière ». En effet, ce genre littéraire,
vieux de 150 ans, a pu vite apparaître indéfinissable car il regroupe une
multitude de formes différentes : le roman à énigme, le roman noir, le
roman à suspense ou encore le thriller... S’ils appartiennent à un genre
commun, le roman policier, ils acceptent tous une définition différente. Au
début, le récit policier s’est constitué d’emprunts aux autres genres
romanesques mais peu à peu devient un genre autonome avec ses propres règles et
une structure spécifique.
Mais si nous devions définir le
roman policier, nous pourrions sans trop nous tromper affirmer qu’il est « l’élucidation d’une situation
trouble ». En cela, le professeur Daniel Fondanèche (notamment
spécialiste du roman policier et enseignant à l’Université de Paris VII)
explique que : « Le roman policier est donc semble-t-il, la trace
romanesque d’une quête ayant pour but de rétablir un équilibre qui a été rompu
après une transgression sociale ».
Genre
littéraire affirmé, si le roman policier a évolué au fil des décennies, il
répond néanmoins à une structure de roman avec des règles strictes et un schéma
narratif précis. Soucieux de coller à leurs époques respectives, les auteurs
ont donné au roman noir une multitude de variantes et une structure plus
dynamique que celle du récit d’énigme.
C’est
ainsi que nous constatons aujourd’hui une hausse de collections de livres
« policiers ». Les succès de Mary Higgins Clark ou encore Dan Brown
montrent l’engouement des lecteurs pour ce style de roman.
B. Les caractéristiques du roman policier dans
le livre « Mathématique du crime »
I. Présentation de Guillermo
MARTINEZ et résumé de son livre « Mathématique du crime »
Guillermo MARTINEZ est un mathématicien
logicien, enseignant à l’université de Buenos Aires. Argentin d’origine, il
confie avoir voyagé en Angleterre pour sa thèse (voir annexe 1), notamment à
Oxford, où il a découvert le décor de ce qui deviendra son roman policier
« Mathématique du Crime ».
Comme son titre l’indique, ce roman contient
une relation étroite entre une enquête policière et les mathématiques.
L’intrigue est basée sur une série de meurtres, causée par un étrange tueur,
qui sème des symboles géométriques faisant parties d’une introuvable suite
logique. Elle met en scène le narrateur, jeune étudiant argentin, un professeur
de mathématiques à l’université où il réalise sa thèse, le professeur Seldom,
et une multitude d’autres personnages qui se mêlent et s’entremêlent dans un
fatras de relations et d’interactions, toutes ayant des liens avec la série de
crimes et de symboles. La suite logique est composée par quatre symboles,
correspondant chacun aux quatre crimes :
II. Les
caractéristiques policières dans « Mathématique du crime »
La structure de base du
roman policier reste ainsi inchangée : il faut un crime, un enquêteur
intelligent, un assistant qui le suive et surtout le mystère du mobile et du
coupable. Dans le roman policier que nous étudions, Mathématique du crime
de Guillermo Martinez, ces éléments sont bien sûr réunis.
Le narrateur, dont le
prénom n’est jamais évoqué, est tout d’abord considéré comme l’assistant de
l’enquêteur, et, comme expliquer précédemment, une représentation du lecteur
par son caractère naïf et dépendant de son guide. Cependant, contre toute
attente, il se transformera au dénouement comme le seul à avoir trouvé la
vérité sur la série de crime évoquée dans le livre.
La situation présentée
dans le livre est complexe de part la présence de deux autres enquêteurs : Le
professeur Seldom, figure mathématique que notre narrateur admire et suit, et
l’enquêteur de police, l’inspecteur Petersen, qui fait son enquête tout en
ayant recours au professeur
Seldom.
Nous observons, de part
la dépendance de Peterson et du narrateur à son égard, que la résolution des
crimes semble être totalement liée à lui.
Ce lien entre Seldom et
la résolution des crimes est accentuée par le fait qu’il semble être le seul
visé par les messages du tueur et que les victimes soient toutes reliées a lui.
Le cadre des crimes est
la ville universitaire d’Oxford, dans laquelle notre narrateur
fait une thèse de mathématiques ; cadre fermé qui correspond à
certains cercles spécifiques de la ville : l’université
d’Oxford, la maison où loge le narrateur (scène du premier crime), et les
différentes scènes de crime, reliant les différents meurtres par les éléments
de la série logique.
Les seuls indices
laissés par le tueur sont les bouts de la suite logique. De toute évidence,
pour l’inspecteur Peterson, les potentielles motivations des suspects (ici,
Beth, la petite fille de la première victime) ne sont pas assez fondées pour
les estimer compromettantes (la première victime étant une dame âgée, gravement
malade, sans patrimoine important) .
Ainsi, de par ce manque
de manque d’indices et de raisons suffisantes pour inculper Beth, et par les
autres pistes fournies par Seldom, Beth a été écartée des possibles suspects
pour l’inspecteur Petersen.
Un retournement de
situation fait que l’inspecteur pense avoir trouver le coupable (qui s’est
suicidé en entrainant avec lui dix enfants, ce qui complète la suite logique)
et cesse l’enquête.
Cependant, en
réfléchissant, le narrateur découvre que le tueur n’existe pas et que Seldom a
fait en sorte de détourner l’attention du véritable coupable, Beth.
Ainsi, l’écrivain nous
propose deux mobiles qui sont en réalité proches, bien que l’un caché (celui de
Seldom) et que l’autre soit plus visible (celui du chauffeur de bus) : le
premier crime, réalisé par Beth car elle ne supportait plus de s’occuper de sa
grand-mère et de
passer à côté de sa vie, a mis en route toute la série à
cause du sentiment paternel que Beth inspire à Seldom. Ce même sentiment qui
l’a poussé à masquer le crime;
le dernier crime,
réalisé par le chauffeur , ne faisait pas parti du schéma de Seldom (pour faire
semblant d’interrompre la série et d’annoncer au « meurtrier » qu’il
avait résolu l’affaire , il fait paraitre
dans les journaux la fin de la série) : son action a permis au chauffeur
de commettre son crime, car il voulait sauver lui aussi sa fille (mais de la
mort, dans son cas, par greffe de poumons).
Les mobiles de Seldom et
du chauffeur sont semblables, puisqu’ils obéissent tout deux à leurs sentiments
paternels envers leurs filles.
Comme dans tous les
romans policiers, il y a une ligne chronologique prédéfinie jusqu’à la
résolution, et une évolution contrôlée des connaissances telles que l’origine
de la suite logique, le passé de Seldom, les références mathématiques, les
indices laissés par Seldom au narrateur, ainsi que les caractères des
différents personnages, permettant la résolution de l’énigme.
Nous pouvons conclure
que les caractéristiques du roman policier sont présentes dans
« Mathématique du crime », bien qu’elles soient utilisées légèrement
différemment que la « norme » (le fait que l’assassin soit un des
enquêteurs, par exemple).
II/ Les théorèmes mathématiques utilisés par
Guillermo Martínez au service de l’intrigue dans son roman
A. La méthode utilisée par l’auteur argentin
dans le déroulement de l’intrigue
I. La définition de l’intrigue dans un roman
policier
L’intrigue regroupe tous
les évènements que comporte le roman policier, c’est-à-dire le déroulement de
l’histoire ainsi que le mystère et le personnage qui se cache derrière lui car
dans les romans policiers il y a toujours un personnage qui est le « méchant »
de l’histoire et qui grâce à ses actes constitue l’intrigue. C’est aussi
l’énonciation de l’histoire, et c’est aussi la combinaison des circonstances et
des incidents qui forment le nœud même de l’action, qui la suspendent et
menacent de l’arrêter ou de la détourner du but marqué, jusqu’à ce que le
dénouement l’y ramène d’une façon inattendue et la précipite.
L’intrigue afin d’être
bien construite doit respecter plusieurs critères :
- L'anti-héros, le personnage le plus important du roman policier est le « méchant ». C'est lui qui va tirer les ficelles de l'histoire, lancer l'intrigue, et l'objectif sera de le stopper dans son projet. Le héros, quant à lui, donne la personnalité de l'histoire. Mais ce qui est encore plus apprécié des lecteurs, c'est l'anti-héros , car on pourra percevoir ses failles, ses faiblesses, et on se sentira d'autant plus proche de lui car on pourra plus facilement s'identifier à lui.
- Le point de vue, il y a parfois plusieurs points de vue dans un roman policier. Cela permet d'étoffer les personnages secondaires, car ils ont chacun leur histoire, leurs motivations et leurs craintes. C'est particulièrement vrai pour les « méchants », car on s'aperçoit que leurs actes sont souvent nobles. Cela permet aussi de créer une tension dramatique puisque le lecteur, s'il connaît le projet du « méchant », a une certaine avance sur le héros. Le suspense et la peur seront d'autant plus présents.
- L'action, le but d'un roman policier est d’accrocher le lecteur, de le mener dans une histoire à l'intérieur de laquelle on essaie de prévenir un crime. De ce fait, l'action devra être bien présente. Il est d'ailleurs très fréquent qu'un roman policier s'ouvre sur une scène de menace ou de violence. Cela permet de prévenir le lecteur du genre littéraire auquel le livre appartient.
- La quête, on sait que dans un roman policier, l'objectif principal du héros va être de stopper le plan du «méchant». Mais en réalité, la quête du héros est souvent double, car elle comprend aussi sa quête personnelle. A travers elle, il va pouvoir lutter contre ses démons intérieurs, sa solitude, ou même sa culpabilité. Cette quête intérieure permettra donc de donner plus de consistance au personnage, et de le rendre plus héroïque aux yeux du lecteur.
- La souffrance, avant d'aboutir à sa quête, le héros va devoir vivre de nombreux tourments. N'oublions pas que les lecteurs adorent voir souffrir le héros. Ils savent qu'il va s'en sortir et surmonter les obstacles, mais ils veulent voir la façon dont il va y parvenir, ils veulent le voir frôler la mort de près. C'est à travers cela qu'un héros se démarquera par sa force et sa richesse. C'est aussi ce qui tiendra le lecteur en haleine et qui lui fera éprouver un certain respect pour ce héros.
- La transformation, une fois sortie d'affaire et sa quête terminée, le héros a évolué au fil de l'histoire. Le lecteur doit avoir pris conscience de cette évolution à travers le récit, grâce à l'expérience que le héros aura acquise. C'est la raison pour laquelle le héros devra accéder à une meilleure position à la fin du récit.
- Le rythme, dans un roman policier, il très important d'adopter le bon rythme. Si ce dernier est trop lent, qu'il n'y a pas assez d'action, les lecteurs vont décrocher. Le but est donc de savoir comment réussir à insérer des informations importantes dans votre récit, sans rompre le dynamisme de la narration. Dans chaque scène, il faut une révélation sur un personnage. N'oublions pas également que dans un roman policier, la peur est au centre, et le personnage doit remporter une course contre la montre.
- La mise en scène, si nous souhaitons révéler un aspect important d'un personnage, il suffit de le mettre en scène. Le but est donc ici de montrer, plutôt que de parler. Les lecteurs veulent avant tout être les témoins du développement de l'intrigue. Ils feront donc leur propre interprétation de ce que nous souhaitons leur révéler.
Tous ces critères représentent ce qui constitue une intrigue dans un roman policier. Presque tous les romans policiers respectent ces règles notamment des œuvres comme celles d’Edgar Allan Poe, grand auteur du roman policier.
II. L’intrigue
dans le roman de Guillermo Martinez
Guillermo Martinez utilise une intrigue ludique
et ingénieuse pour captiver son lecteur dans son livre. Il utilise des scènes
de meurtres et des expressions mathématiques pour donner une envie de lire la
suite de son polar jusqu’à la dernière lignes. Comme tout intrigue, elle est
méthodique et relève l’attention du lecteur.
Les scènes de meurtres, très détaillées,
décrivent parfaitement l’atmosphère angoissant et sombre des meurtres. Quelle
personne avec un cœur n’a pas envie de savoir qui a fait cet assassinat ou ce crime !
Qui ne voudrait pas connaître la réalité ! Nous voudrions toujours que le « méchant »
se fasse prendre en plein jour et soit arrêté.
La victime est un élément majeur dans le roman
policier qui ne faut jamais perdre de vue. On peut se poser une question en
permanence : « Comment est-elle morte ? » ou encore « Comment a-t-elle
disparu ? »
Les théorèmes mathématiques dans le roman de
Guillermo Martinez servent de prétexte à l’intrigue. Sa fausse piste pythagoricienne
mène le lecteur dans un univers qui le plonge dans une mauvaise direction, qui
néanmoins le plonge dans une réflexion profonde sans issue.
L’ensemble de ces événements, de fait, constitue
l’intrigue de son récit car dans ce texte l’intrigue sert à susciter l’intérêt,
la curiosité, la palpitation du lecteur.
Nous allons voir maintenant toutes les
caractéristiques de l’intrigue, en les comparant et en regardant leur place
dans le livre « Mathématiques du crime ».
L’anti-héros : dans le livre
les anti-héros sont Beth et Seldom.
Beth, à travers son projet machiavélique (le
meurtre de Madame Eagleton), devient une anti-heros dès lors qu’elle fait ce
crime, qui marque le début de l’intrigue.
On peut également qualifier Seldom d’anti-héros
car il va se révéler être le complice de Beth. Les ficelles de histoire le
prouveront : les traces de parenté entre Beth et Seldom confirmeront cette
idée.
Le point de vue : nous allons
être amenés à suivre le point de vue d’un jeune étudiant qui nous servira de
guide durant toute notre lecture dans un cadre splendide : celui d’Oxford,
vu par les yeux d’un jeune argentin brillant et ébloui, qui ne résiste pas au
charme de l’Angleterre.
L’action : Ce livre présente une
intrigue forte et donne ainsi envie aux lecteurs de finir ce roman qui suit un
déroulement précis, comme une démonstration mathématiques.. Une fois plongé
dans l’atmosphère intrigante, angoissante du roman policier, le lecteur ne peut
plus s’arrêter sans avoir démasquer au préalable le coupable.
Pour le lecteur, l’anti-héros doit à la fin du
roman doit être dévoilé au plein jour, arrêté, mis derrière les barreaux pour
que son esprit se repose. Mais ici, pas d’effusions de sang et de
courses-poursuites infernales, pas d’experts en ingénierie ultra-branchée, tout
va se recouper par les mathématiques, une science exacte et confuse à la fois,
car la démonstration déployée par l’auteur dans ce roman en bluffera plus d’un.
La quête : L’agent de police Peterson enquête sur le
meurtrier pour le stopper. « Depuis Maigret, nous savons que le bon
détective est précisément celui qui a la faculté d’entrer dans la peau de
l’autre, de s’identifier à lui… »
La souffrance : M. Peterson
tout au long de son enquête doit réfléchir intensément pour relier les
expressions logiques au criminel alors qu’il ne connait rien aux mathématiques.
Il est donc aiguillé par le professeur de mathématiques, Seldom, qui lui
explique comment marche les expressions logiques, mais ces informations
sont-elles vraies ou fausses.
La transformation : Effectivement,
une fois sortie d'affaire et sa quête terminée, le héros prendra conscience
que les mathématiques ne peuvent pas tout résoudre. Le lecteur, lui aussi,
pourra en tirer ses propres conclusions, comme le héros.
Le rythme : Le rythme effréné
dans ce livre est impressionnant, aussi impressionnant que le nombre de symboles et d’expressions logiques au rythme
desquels les meurtres vont se multiplier. Une belle ambiance feutrée, un zest
de dissimulation, de longs discours savants, pas mal de tendresse, d’élégance
et des petites touches de mystère pour toujours laisser planer le doute, telle
est la cadence donnée dans ce livre.
La mise en scène : Tout au long
de ce roman policier, la mise en scène se caractérise par une perte de la
structure narrative en s’orientant vers une sorte d’esthétique et de
poétisation à travers une brillante démonstration sur les spéculations sur les
signes et nos façons de les relier entre eux, qui unissent la magie, les
mathématiques et le meurtre. Car en effet, le crime et son mystère demeure bien
présents pour notre plus grand plaisir.
Pour conclure, l’intrigue fait passer une
information initiale au début du polar, le meurtre, pour nous conduire vers la
solution finale, la découverte du coupable. Mais cette intrigue limpide sera
également complexe…
B.
Choix et raisons des théorèmes utilisés
I.
Le choix des théorèmes utilisés
Dans le livre « Mathématique du crime » (ou
« Crimes imperceptibles »), l’auteur a utilisé plusieurs
théorèmes. Ces théorèmes sont employés comme outils de compréhension par le
narrateur et le professeur Seldom.
Un théorème est une affirmation mathématique ou logique qui
peut être démontrée, soit un résultat pouvant être établi à travers l’utilisation
d’un raisonnement logique, comprenant des axiomes qui sous-tendent une théorie et d'éventuels résultats (théorèmes ou
autres formes d'assertions) construits précédemment dans le cadre du même
système d’axiomes - désigne une vérité indémontrable qui doit être admise. Pour
certains philosophes grecs de l'Antiquité, un axiome était une affirmation
qu'ils considéraient comme évidente et qui n'avait nul besoin de preuve. Un théorème est donc à distinguer d'une théorie.
Les théorèmes utilisés et cités ont différentes fonctions en
rapport avec leur contexte. Nous observons la présence du Théorème
d’incomplétude de Gödel, du principe du rasoir d’Ockham, le paradoxe de
Wittgenstein, mais aussi d’un principe physique, qui va jouer le rôle
d’éclaireur de Seldom, le principe d’Heisenberg et un dernier théorème, le
théorème de Fermat, le dernier cité dans le livre, qui joue le rôle de coup
final , de « clou du spectacle ».
Nous pouvons observer que la majorité des théorèmes et des
principes mathématiques sont cités dans le chapitre 7. Le chapitre 7 suit de
près la découverte du premier cadavre, Mrs Eagleton. L’inspecteur a interrogé
les personnages, et Seldom fait part au narrateur de ses observations sur les
méthodes utilisées par l’inspecteur pour découvrir le coupable. Ainsi, le
professeur Seldom commence par parler « d’un corollaire de Tarski sur le
théorème de Gödel » (chapitre 7, ligne 3). Le théorème de Gödel fait
partie d’un ensemble de théorèmes célèbres de logique mathématique, démontrés
par Kurt Gödel en 1931.
Les théorèmes d'incomplétude de Gödel sont deux théorèmes célèbres de logique mathématique, démontrés par Kurt Gödel en 1931. On se posait alors la question de savoir si les
systèmes axiomatiques proposés pour démontrer toutes les théories mathématiques connues pouvaient démontrer leur
propre consistance logique. En gros, pouvait-on être sûr que l'on n'aurait jamais
des démonstrations contradictoires d'un énoncé de mathématique déduit d'un des systèmes d'axiomes censés fonder les mathématiques ?
II.
Les raisons des théorèmes utilisés dans « Mathématique du crime »
Le grand mathématicien David Hilbert, qui avait été à l'origine de ce problème,
l'espérait. Mais Gödel mit fin à cet
espoir en démontrant que tout système axiomatique permettant de faire de
l'arithmétique devait contenir des propositions qui ne pouvaient être démontées, ou réfutées, en utilisant le système
axiomatique en question. Si l'on décidait qu'une de ces propositions était un
autre axiome, on aurait un nouveau système, mais qui contiendrait lui aussi des
propositions dont la vérité ou la fausseté sont indécidables. Paradoxalement,
on sait que certaines de ces propositions indécidables sont vraies, mais on ne
peut le démontrer. C’est souvent en ces termes que l’on perle « du »
théorème d’incomplétude de Gödel, mais il
s'agit en fait de son premier théorème d’incomplétude.
Le professeur l’introduit par la phrase : « Il
existe une différence entre la vérité et la part de vérité qui peut être
démontrée ». Elle résume le théorème et le contexte dans la réalité
physique et non abstraite des mathématiques. Dans le chapitre 7, nous voyons
s’établir une parallèle entre l’enquête et ce théorème, qui illustre le fait
que certains faits sont toujours impossibles à justifier ou a démontrer.
Intervient alors le principe d’Heisenberg, dont Seldom entendit parler par une
de ses amies, la mère de Beth. Le principe d’Heisenberg serait, selon
l’interprétation de Seldom, un principe expliquant que la plupart des
mathématiques connues sont faites pour une échelle « visible » des
mathématiques (« toutes les mathématiques que produisent jour après jour
nos vaillants collègues, appartiennent à l’ordre « visible » du
macroscopique »), comme la physique quantique, où les formules dépendent
de l’échelle concernée.
C’est un principe de raisonnement qui favorise la
simplicité, l’économie (de temps, ici) ou de parcimonie (n’utiliser que le
minimum de causes pour expliquer un phénomène, en latin lex parsimoniae). Il est souvent
formuler comme suit:
«Pluralitas non est ponenda sine necessitate » ou « Les multiples ne doivent pas être utilisés sans nécessité».
On peut le reformuler plus couramment
« Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? » ou encore « les hypothèses suffisantes les plus simples sont les plus
vraisemblables ». C’est un principe fondamental en science, bien que non considéré
comme étant un résultat scientifique valable. Nous devons cependant souligner
le fait que par « simplicité », nous ne parlons pas de volatilité ni
de justesse. Nous abordons seulement la tendance à la considérer en premier que
les autres.
En philosophie, le terme « rasoir » désigne un principe ou une règle générale qui permet d'éliminer (de « raser »)
des explications improbables d'un phénomène. Le rasoir d'Ockham tient son nom
du philosophe franciscain Guillaume d'Ockham (XIVe siècle)
qui le formula, bien que ce concept fût connu depuis bien longtemps (il est
parfois orthographié « rasoir d'Occam », ces deux graphies du nom du philosophe étant acceptées). Sa
formulation apparait dans son ouvrage Quaestiones et decisiones in quatuor libros Sententiarum
cum centilogio theologico, livre II (1319).
Cette idée est qualifiée d’erreur par Seldom en
raison de son improbabilité dans la vie réelle. Selon lui, « la réalité
est le plus souvent naturellement compliquée » mais aussi parce que le
criminel intelligent laisse toujours « une explication simple, un rideau
de fumée » pour confondre les enquêteurs.
Plus tard dans le livre, nous trouvons « le
paradoxe de Wittgenstein ». Il est cité page 92, dans le chapitre 9. Dans
ce chapitre, Seldom présente à notre narrateur son ami Franck Kalman, « le
continuateur des travaux de Wittgenstein sur l’observation des règles d’usage
et les jeux du langage ». Il est important d’expliquer ce
qu’est le paradoxe de Wittgenstein pour comprendre l’enjeu de ce chapitre :
qu’est le paradoxe de Wittgenstein pour comprendre l’enjeu de ce chapitre :
Autrement expliqué dans le chapitre :
« l’impossibilité de concevoir une règle univoque et des ordonnancements
« naturels » ». Franck en
devint fou : il avait redécouvert quelque chose déjà démontré
des siècles avant, mais par la
pratique lui.
Nous pouvons relier ceci a la série de crimes par la
suite logique que semble construire le tueur en série, qui commence par un
symbole circulaire (non identifié). La paradoxe précédemment cité montre ainsi
que la série peut être « n’importe quelle suite » et le symbole
suivit par « n’importe quel chiffre » (on peut qualifier ici tout
symbole qui peut suivre). Dans le chapitre 9, Seldom nous présente l’espace de
« l’aquarium », ou sont gardés les « légumes ». C’est dans
ce même espace que meure la deuxième victime, représentée par le tueur en tant
que vessie de poisson (vesica piscis),
d’ou l’importance du chapitre 9, qui nous fournit les outils de compréhension
de ce deuxième symbole.
Le dernier théorème mentionné est le théorème de
Fermat. Il est en quelque sorte le clou du spectacle, puisqu’il marque la fin
des crimes. Le grand théorème de Fermat viendrait d’une variante du théorème de
Pythagore citée dans l’Arithmetica de Diophante. Ainsi, il propose une démonstration affirmant qu’il n’y avait
pas de solution au problème posé, que les mathématiciens mirent environ 4 siècles a résoudre.
En 1996, Andrew Wiles finit par démontrer la
conjecture de Fermat.
Dans notre livre, c’est cet événement tant
attendu qui est évoqué, et qui mène au crime final : la tetraktys. Ainsi,
Wiles démontra, en 8 conférences et en un résumé de deux cents pages, le
théorème de Fermat, qui se fit renommé en : théorème de Fermat-Wiles.
La résolution du « Moby Dick des
mathématiciens » intervient le jour où la police et Seldom décident de
faire paraître dans les journaux la suite logique : selon Seldom , si ils
publient la fin de la suite, le tueur cessera ses actes. Cependant, contre
toute attente, le dernier crime a lieu. Il s’agit en réalité du suicide d’un
père tentant de sauver sa petite fille : il avait déjà prévenu les pompiers
pour leur signaler où se rendre. Le chauffeur se suicide et tue avec lui dix
enfants: symbole final de la suite, la tetraktys, une pyramide a dix points.
C’est le point final d’une suite nommée suite pythagoricienne, composée par les
chiffres allant de 0 a 10.
A travers le livre, nous avons vu apparaitre
divers théorèmes, méthodes, paradoxes et systèmes mathématiques ou même
physiques. Tout du long, le professeur Seldom parle également d’esthétique dans
les mathématiques et de systèmes philosophiques.
Selon lui, les mathématiques usinent une
esthétique, et que ceux que nous utilisons et produisons obéissent et
appartiennent à ce cadre esthétique, sans quoi ils ne seraient pas justes et
applicables. Il aurait également fait une étude sur les systèmes philosophiques
et la rationalité des comportements, où est cité le rasoir d’Occam. La suite
logique des crimes est donc la suite pythagoricienne. Les pythagoriciens éteint
sectaires et mystérieux, possédant aussi des cultes et des figures sacrées.
III/ Une démarche d’investigation
entre expression logique et objet littéraire
A. Les liens entre la résolution de l’enquête
(objet littéraire qui suit la démarche d’investigation) et la résolution des
énigmes mathématiques dans le livre (les expressions logiques, Pythagore)
I. La suite sacrée des pythagoriciens
Toute l’histoire est basée sur la solution de la
suite logique que le tueur en série forme. Cette série, selon les propres avis
de l’auteur, a été utilisée au hasard. Il avait commencé par mentionner un
simple cercle, puis l’idée serait venue d’utiliser cette suite. La suite
utilisée est la suite sacrée des pythagoriciens. Son premier symbole, comme
dans l’histoire, est le cercle. Dans la croyance de Pythagore, le cercle est le
symbole du Un, « l’unité dans sa perfection, la monade, l’élément
premier de tout, enfermé et complet en lui-même ».
Il est également la source de vie, un hermaphrodite. Considéré ni impair ni
pair, il participe aux deux (il est associé à Zeus).
Puis vient le Deux. Le Deux est quant à lui « le
symbole de la multiplicité, de toutes les oppositions et les dualités, des engendrements
», appelé Vesica piscis, « la vessie du poisson ».
Il est représenté par deux cercles dont l’intersection forme une amande. Deux
est la femme, la parité. Il est associé au chaos, a l’absence de règles et de
discipline. Il est également le symbole de l’audace.
Le trois, quant à lui, est symbolisé par un
triangle. C’est « la triade », « l’union de deux
extrêmes, la possibilité de procurer de l’ordre et de l’harmonie aux différences. C’était l’esprit qui unit le mortel et l’immortel
en un tout. » Il est considéré comme le véritable premier
chiffre. C’est le premier homme, la pluralité, la multitude. Il englobe le
monde matériel (il suffit de trois points pour définir un plan). Il représente la pensée humaine et la pensée cosmique qui anime
l'Univers.
Enfin, apparait le signe le plus complexe et qui
finalise la série : la tétraktys.
II. La tétraktys
En voici une analyse : au sommet, un seul point
qui symbolise l'Un, le Divin, principe de toute chose, l'être non encore
manifesté. Au-dessous, l'origine de la manifestation marquée par 2 points,
symbolisant la première apparition, le dédoublement par couple ou dyade, le
masculin et le féminin, le phallus et l’œuf, etc…donc le dualisme interne de
chaque être. Rappelons qu'en Franc-Maçonnerie le dualisme
manichéen est une impasse existentielle par nature. Viennent ensuite les 3
points correspondants aux 3 minéraux du monde: l'enfer, la terre et les cieux. Ainsi
qu'aux 3 niveaux de la vie humaine : physique, psychique et spirituel. Et pour
terminer, nous trouvons les 4 points de la barre de la pyramide symbolisant la
terre, la multiplication de l'univers matériel, les 4 éléments, les 4 points
cardinaux, les 4 saisons, etc. Cet ensemble constitue la Décade, la totalité de
l'univers créé et
incréé.
Nous pouvons observer alors que la tétraktys est
véritablement la conclusion de tout, l’ensemble d’un tout indispensable. Dans
le livre, la symbolique est retrouvée car cette figure est le crime final : dix
enfants sont tués. Les enfants sont le tout, la vie, le futur,
l’hermaphrodisme... Par leur mort, l’auteur ferme la série et donne l’ultime
indice au narrateur : l’amour d’un père envers son enfant. L’auteur vient ainsi
lier les crimes qui semblent réfléchis et analysés « logiquement », suivant une loi évidente et mathématique, rigoureuse , à
une dimension illogique et sentimentale qu’est l’amour. L’amour provoque des
réactions enflammées et parfaitement irréfléchies, dans la plupart des cas.
Ainsi, le professeur Seldom a utilisé cette suite si simple et en même temps
complexe, de part le fait de possibilités infinies de suite aux symboles.
Au cours de l’histoire, les symboles de la suite de
Pythagore apparaissent sur les scènes de crimes. Le tueur met en place une
corrélation entre les victimes et la suite. Nous retrouvons sur les scènes de
crimes des éléments reliant les victimes et les symboles : pour le meurtre
de Mme Eagleton, le cercle e retrouve dans les roues de son fauteuil motorisé.
Le deuxième crime est situé dans la section d’un hôpital appelé l’aquarium :
le symbole retrouvé est une figure désignant la vessie de poisson. La troisième figure est un triangle, la
victime un joueur de l’instrument du même nom. Pour le dernier crime, le
symbole fait référence à deux éléments : le nom populaire du pont duquel
tombe le bus (le pont des triangles), et le nombre de personnes assassinées par
le chauffeur (10).
Lorsque le véritable assassin est dévoilé (en l’occurrence Beth), nous apprenons que le tueur
n’a véritablement tué personne, puisque ce sont en réalité des morts
naturelles : le premier meurtre est commis par Beth, dans un excès de rage ; le deuxième mort est déguisé en meurtre : Seldom s’est contenté de piquer le corps du défunt, sachant que les
scientifiques penseraient a une substance indétectable ; le troisième n’était pas voulu : Seldom a improvisé un semblant de meurtre et a laissé un mot pour
convaincre les policiers de son authenticité et le quatrième, quant à lui,
n’est en réalité pas du fruit de Seldom : la chauffeur de bus l’a manigancé seul, prenant le rôle du tueur en série
jusque-là incarne par Seldom. En conclusion, seules les circonstances ont
provoqué l’utilisation de la série : Seldom a improvisé
totalement pour couvrir le premier meurtre et, comme l’auteur, l’idée lui est
venue au fur et à mesure.
B. Lorsque les mathématiques servent à réfléchir
sur la fausse rationalité qui relie nos actes entre eux (la pensée de Wittgenstein...)
Voilà
la phrase dans « Mathématique du crime » qui nous a poussé à aborder
ce thème : « Il n’y a pas un conditionnement kantien, mais à coup sûr
une esthétique de simplicité et d’élégance qui gouverne également la
formulation de conjectures ; les mathématiques considèrent que la beauté
d’un théorème exige certaines proportions divines entre la simplicité des
axiomes au point de départ, et la simplicité de la thèse à l’arrivée. Le
laborieux, l’ennuyeux, a toujours été réservé au chemin entre les deux, à la
démonstration » (page 75).
Ludwig Josef Johann
Wittgenstein (né
à Vienne, Auriche-Hongrie, le 26 avril
1889, mort à Cambridge, Royaume-Uni, le 29 avril 1951 (à 62 ans)) est
un philosophe et mathématicien autrichien,
puis britannique,
qui apporta des contributions décisives en logique,
dans la théorie des fondements
des mathématiques et
en philosophie
du langage.
Ludwig Wittgenstein
(1899–1951) |